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IDEOS
26 juillet 2009

« Ceci est mon corps »: le pape et les gender studies

« Il est nécessaire qu'il existe quelque chose comme une écologie de l'homme, entendue d'une juste manière. Il ne s'agit pas d'une métaphysique dépassée, si l'Eglise parle de la nature de l'être humain comme homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté. Ici, il s'agit de fait de la foi dans le Créateur et de l'écoute du langage de la création, dont le mépris serait une autodestruction de l'homme et donc une destruction de l'œuvre de Dieu lui-même. Ce qui est souvent exprimé et entendu par le terme "gender", se résout en définitive dans l'auto-émancipation de l'homme par rapport à la création et au Créateur. L'homme veut se construire tout seul et décider toujours et exclusivement tout seul de ce qui le concerne. Mais de cette manière, il vit contre la vérité, il vit contre l'Esprit créateur. »

Discours du Pape Benoît XVI à la Curie romaine à l'occasion de la rencontre traditionnelle pour les voeux de Noël.
Lundi 22 décembre 2008

Surprenante et peu remarquée sortie de Benoît XVI il y a quelques mois. Le pape stigmatise cette fois tout un champ de recherche ainsi que les universitaires qui y sont engagés. Cette attaque est en outre placée dans un paragraphe traitant de l'écologie. Le discours glisse insidieusement de la protection de l'environnement à ce que Benoît XVI nomme « une écologie de l'homme », écologie d'une humanité naturellement et invariablement divisée en maculin et féminin. Il s'agit évidemment de protéger cette « nature double » contre ce qui la menace (le concept bien commode de « nature » sert ici l'amalgame).

Le pape nous rejoue dans ces quelques lignes la scène dramatique de la Genèse: le « gender » est le serpent qui permet la réunion du masculin et du féminin dans la même transgression de l'ordre divin. Le serpent, vertical ou enroulé, est lui-même symbole androgyne, confondant les genres. Lucifer, souvent assimilé à Satan, est avant tout, même déchu, un ange (donc sexuellement indéterminé)... Les gender studies, parce qu'elles prennent le parti de l'immanence contre la transcendance, parce qu'elles incitent l'Homme à (se) connaître par ses propres moyens, le condamnent aux yeux du divin. Comme dans l'épisode biblique inaugural, la révolte, la transgression de l'interdit pour l'accès au savoir et à la liberté entraînent inévitablement une double rupture, dans la nature même de l'Homme et dans la nature du lien qui le lie à Dieu.

En opposant de cette manière gender studies et Création, le souverain pontife situe celles-ci du côté de la destruction et de la décadence, les assimilant explicitement à la catastrophe écologique. La désertification et la déforestation, comme la notion même de « gender » (clef de voûte de la réflexion des mouvements gays, lesbiens, transgenres), portent atteinte au projet reproducteur de « l'Esprit créateur ». Cette insistance sur la notion (d'auto-)destruction tend à faire des centres de recherche en gender et queer studies les Sodome et Gomorrhe de l'Université.

Le pape reconnaît au moins, même s'il la désavoue, la démarche émancipatrice des gender studies. C'est pourtant là que se tisse le véritable lien, s'il faut en trouver un, avec l'écologie. En effet, force est de constater que les problématiques de genre ont été très tôt portées – avec force et conviction – par les mouvements (proches) de l'écologie politique, Les Verts en tête. L'explication est peut-être à chercher dans la conscience aiguë et lucide que les écologistes ont de l'importance des pratiques et des constructions culturelles sur l'environnement naturel et humain. Ajouter à cela la protection et la promotion de la diversité consubstancielles à la vision écologiste du monde permet de comprendre comment la pensée de l'écologie politique est en réalité indissociable d'un combat farouche contre toutes les oppressions, pour la liberté de choisir sa vie.

Non seulement la réaction du pape révèle le pouvoir de déconstruction, de subversion et de déstabilisation des gender studies, mais elle exhausse aussi les enjeux philosophiques et politiques qui en dépendent.
"N'ayez pas peur" avait lancé Jean-Paul II...

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