Men's Studies: que peut la littérature?
"Il n'en reste pas moins que, tout en se réclamant de la contestation et de la subversion, en tout cas en France, les représentants de la triade formalisme-nihilisme-solip
C'est dans la perspective de ce retour aux humanités - et peut-être à la littérature- que Todorov publie "La Littérature en péril" (2007). Il y appelle de ses voeux une littérature qui a retrouvé le chemin du monde. Or, qu'est-ce que la littérature, sinon un système de représentations du monde?
C'est ce champ des représentations qu'il nous faut explorer:
- parce qu'il prend en compte la spécificité de l'oeuvre littéraire comme représentation particulière de l'expérience humaine
- parce qu'il permet d'envisager l'infinie richesse de l'entreprise littéraire (en écoutant ce que l'oeuvre nous dit du/sur le monde)
- parce qu'il permet de croiser les disciplines et les approches (histoire, sociologie, psychanalyse, anthropologie...)
Les Men's Studies s'inscrivent parfaitement dans ce champ: le genre, comme l'a montré Judith Butler, résulte d'une construction discursive forclose. Le genre est une interprétation idéologique (au sens large du terme) du sexe biologique qui suppose et implique de multiples représentations du monde. Par conséquent, le genre est déjà lui-même une représentation (ou plutôt un système de représentations) du monde et des êtres qui le composent. Une représentation qui, pour se fonder en raison (et souvent en nature), refuse de se donner comme représentation. En effet, pour Judith Butler, les genres ne sont jamais présents mais toujours déjà re-présentés: l'homme travesti n'est donc pas copie d'un original (la femme, le féminin) mais copie d'une copie.
D'où la complexité des "gender studies" appliquées à la littérature (système de représentations de représentations qui ne disent pas leur nom). Il me semble que les "male studies" sont/seront, plus encore que les "female studies", confrontées à cette difficulté, tout simplement parce que la masculinité (assimilée au général, au neutre, à l'asexuation) ne s'est jamais posée et n'a jamais été posée (en tout cas, encore moins que la féminité) comme construction discursive, saisie dans un réseau de représentations diverses. On étudiera volontiers, sous l'angle du genre, les figures féminines -même secondaires- d'un roman sans transposer la démarche aux personnages masculins. Ainsi posera-t-on plus facilement la question des personnages féminins dans "Le Procès" de Kafka et de Welles (cf sujet du bac de français session 2005). Ainsi le programme d'agrégation de littérature comparée s'interressera-t-il plus volontiers aux destinées féminies dans le contexte du naturalisme européen. Ces choix témoignent certes d'une prise en compte heureuse de l'apport des "gender studies" à l'histoire littéraire, mais ils révèlent aussi un "impensé" du masculin qu'il nous revient de lever.